Le Cri de la Virgule

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Le saut de l’ange : Maud Marin

paquita | 8 juillet 2014

Ainsi je suis rare, peut-être sans pareil… Je l’avais lu dans un livre, où il était dit que l’androgyne vrai était exceptionnel, et que les statistiques répertoriées dans le monde occidental donnaient un chiffre qui n’atteignaient pas la centaine. Mais les descriptions de ces êtres exceptionnels comme moi étaient trop succinctes pour que je sois sûre de mon appartenance à ce type double, réunissant comme dans la légende le mâle et la femelle. Faisant de moi un ange.

maud_marin1

Paru en 1988, ce livre-témoignage d’une bouleversante acuité,  raconte le chemin de croix vécu par son auteure : une vie de souffrances et de combats, entre deux sexes.

Son calvaire commence à l’été 1945. Née prématurée avec une malformation sexuelle qui complique son identification à un genre déterminé, le joug familial décidera pourtant d’en faire un garçon. Elle sera Jean Marin ou rien. Dès ses premières années, Jean se sait “fille”. Son développement n’est pas celui des garçons dont il craint par-dessus tout la violence physique et verbale. Son corps et ses organes génitaux ignorent la puberté. Grand, frêle, imberbe, la finesse de ses traits ne laisse aucun doute et c’est sans doute cette “provocante nature” qui suscite l’intolérance générale. On voit mais on ne veut pas savoir, reconnaître l’erreur et surtout pas la réparer. Jean souffre de ce mépris familial et social dont la rigidité morale ne peut être discutée. Il faut se conformer, être un garçon, un bon élève, faire oublier les malheurs qui ont fait le lit des névroses familiales. Le climat y est lourd, complexe, à l’image de l’union de ses parents, une union de raison et de sacrifices. Et c’est le sacrifice de son bien-être auquel Jean sera contraint pendant des années.

Pourtant, à l’orée de mai 68, Jean découvre l’amour. Alors étudiant en droit, il est destiné à intégrer un poste de cadre dans l’administration. Elle est étudiante, juive et aveugle à son étrangeté. En pleine libération sexuelle, leur passion demeure platonique. Ils font des projets d’avenir que Jean ne pourra honorer, étant sexuellement inopérant et socialement nié dans son identité. Dans le même temps, toujours en quête d’une reconnaissance de sa féminité, il découvre le milieu de la nuit et des travestis, celui des transsexuels et surtout des opérés(ées). C’est une révélation et un objectif qu’il ne pourra atteindre qu’en brisant ses liens avec son amour de jeunesse mais aussi en se prostituant. Paradoxalement, c’est en exerçant cette profession O combien destructrice que Jean, devenant Maud, parviendra à se faire accepter et surtout désirer. Car elle est là, la plaie initiale, la plaie de l’enfant, de l’adolescent, du jeune adulte dont la société se détourne. Il est des douleurs tellement singulières, tellement troublantes, qu’on ne peut en souffrir la proximité… Le seul véritable contact devient alors un contact tarifé avec à la clé, la peur des fous, des flics, des macs, le racket, la hargne des autres filles, la déchéance physique et surtout un isolement affectif abyssal.

Après “un saut de l’ange” qui lui permet enfin de trouver l’accord avec elle-même, Maud renonce au “tapin” pour fuir un “turbin” placé sur sa tête et sauver sa peau. Avec une soif de reconnaissance et de justice inébranlables, Maud reprend ses études de droit et devient en 1979, la première avocate transsexuelle. Elle obtiendra le droit de rectifier son identité aux yeux de la loi, après de multiples examens médicaux et recours en justice. Une vie de combats épuisants qu’elle médiatisera et qui lui fera perdre son barreau. C’est là que s’efface la trace de Maud Marin, héroïne moderne, au destin si extraordinaire.

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intersexualité, Maud Marin, témoignage
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Just kids : Patti Smith

paquita | 21 juin 2014

Cygne, dit ma mère, qui sentait mon excitation.
Mais le mot était loin de suffire à rendre compte de sa magnificence ou à transmettre l’émotion qu’il produisait en moi. La vision de l’oiseau créait un besoin pressant pour lequel je n’avais pas de mots, un désir de parler du cygne, de dire quelque chose de sa blancheur, de la nature explosive de son mouvement, et du lent battement de ses ailes.

just_kidsQu’est-ce que la poésie ? Qu’est-ce qu’un vie d’artiste ? Deux questions auxquelles tente de répondre Patti Smith dans une autobiographie émouvante et remarquablement écrite. La poétesse y raconte les moments-clés de sa vie pendant lesquels elle entra en contact avec la lecture, la peinture et le rock’n'roll. Issue d’une famille pauvre mais soudée et attirée par la culture, Patricia Smith décidera très tôt de consacrer sa vie à la quête artistique. Après avoir tenté de gagner sa vie au moyen de petits boulots sous-payés, elle abandonne ses études et son premier enfant avant sa majorité, contrainte et forcée par le “qu’en dira-t-on” et sa pauvreté. Elle débarque à New-York à la fin des années 60, sans argent et sans connaissances. Économiquement et affectivement démunie, elle vivra dans la rue pendant quelques mois avant de rencontrer Robert Mapplethorpe, jeune artiste tourmenté et sincère. C’est un coup-de -foudre mystique. Ils deviennent inséparables, nourrissant mutuellement leur soif de création malgré la faim qui les tenaille pendant ces années de bohème. En dépit des difficultés, ils s’accrochent ensemble à leur rêve en travaillant sans relâche : le dessin et la poésie pour Patti, les collages et installations pour Robert. Les lieux (Chelsea Hotel, CBGB, voyage à Paris) et rencontres mythiques peuplées d’anonymes hauts en couleurs se succéderont (Janis Joplin, Jimi Hendrix, William Burroughs) avec pour effet de renforcer leur désir de créer, de collaborer avec d’autres artistes. Ainsi que le démontre ce témoignage d’une époque où tout semblait possible, rien ne naît de rien. Aucune création ne saurait surgir du néant car toute création trouve sa source dans la vie de l’artiste et sa perception des œuvres qui l’ont précédée. “Personne ne voit comme toi et moi Patti” répétera Robert Mapplethorpe à celle qui fut son amante, sa muse et son amie, jusqu’aux derniers instants. Entretemps, les gamins seront devenus des artistes de renommée internationale : Patti Smith sera chanteuse de rock’n'roll et Robert Mapplethorpe photographe. Tout deux innoveront par leur esprit avant-gardiste, marquant la seconde moitié du XXème siècle d’une empreinte profonde et singulière.

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autobiographie, Just Kids, Patti Smith

Le grand cahier : attention, bombe littéraire

paquita | 15 mars 2013

Avec Le grand cahier (1986) Agota Kristof (de son vrai nom) a écrit le premier volet d’une trilogie brillante et cruelle. Elle y relate en de brefs chapitres, dans une langue dépouillée et concise, l’histoire de Claus et Lucas, jumeaux confiés par leur mère à une grand-mère jusqu’alors inconnue, haute en couleurs et en zones d’ombres. Dans une petite ville de la province hongroise, sur fond de régime totalitaire, les personnages et les situations qu’ils créent avec les jumeaux, se succèdent à un rythme effréné.  Curieusement, tous semblent souffrir de névroses et perversions diverses, dont on ne parvient pas à déterminer si c’est la privation de liberté qui les engendrent, l’état de guerre ou la dégénérescence d’un peuple…  Claus et Lucas, dotés d’une intelligence et d’une adaptabilité hors normes, mettront en place leur programme de “résistance” à cet entre-monde, dans lequel la morale et la générosité sont solubles dans la survie. Ils mettent au point une série d’exercices destinés à les endurcir, qu’ils consignent scrupuleusement dans Le grand cahier.

Exercice d’endurcissement de l’esprit :

Grand-mère nous dit :

- Fils de chienne !

Les gens nous disent :

- Fils de Sorcière ! Fils de pute !

D’autres disent :

- Iméciles ! Voyous ! Morveux ! Ânes ! Gorets ! Pourceaux ! Canailles ! Charognes ! Petits merdeux ! Gibier de potence ! Graines d’assassin !

Quand nous entendons ces mots, notre visage devient rouge, nos oreilles bourdonnent, nos yeux piquent, nos genoux tremblent. Nous ne voulons plus rougir ni trembler, nous voulons nous habituer aux injures, aux mots qui blessent. Nous nous installons à la table de la cuisine l’un en face de l’autre et, en nous regardant dans les yeux, nous disons des mots de plus en plus atroces.

L’un :

- Fumier ! Trou du cul !

L’autre :

- Enculé ! Salopard !

Nous continuons ainsi jusqu’à ce que les mots n’entrent plus dans notre cerveau, n’entrent même plus dans nos oreilles. Nous nous exerçons de cette façon une demie-heure par jour, puis nous allons nous promener dans les rues. Nous nous arrangeons pour que les gens nous insultent et nous constatons qu’enfin nous réussissons à rester indifférents.

Dans son émouvant récit autobiographique, L’analphabète, Agota Kristof (1935-2011) confie sa certitude que Le grand cahier serait publié. A la lecture du roman, on comprend son assurance : des chapitres brefs, des phrases courtes, tranchantes comme des rasoirs, un drame familial et communautaire, des personnages typés, troubles, des situations et des actions qui ne laissent aucun répit, bref, un roman calibré pour une lecture tout à la fois, haletante, déroutante et poignante. Chapeau bas, madame Agota.

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Agota Kristof, roman, seconde guerre mondiale
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L’arrache-coeur : roman de l’aliénation

paquita | 2 janvier 2012

9782253006626fsParu en 1953, L’arrache-cœur * est un roman moderne et particulièrement déstabilisant. L’invention langagière y fusionne avec la mise en scène d’une société aliénée, tandis que de purs fragments de poésie y côtoient des incongruités de tout poil :

Le sentier longeait la falaise. Il était bordé de calamines en fleur et de brouillouses un peu passées dont les pétales noircis jonchaient le sol. Des insectes pointus avaient creusé le sol de mille petits trous; sous les pieds, c’était comme de l’éponge morte de froid.

Un psychiatre au nom évocateur, Jacquemort, s’installe dans un village afin d’y effectuer une “psychanalyse totale” sur un ou plusieurs des membres de cette communauté. Au fil des jours, il découvre les mœurs dévoyées, le climat malsain qui semble être la norme du pays (la foire aux vieux, la maltraitance des apprentis et des animaux, une libido omniprésente). Parmi les personnages principaux, il y a Clémentine, mère de “trumeaux”, que Jacquemort aide à accoucher au début du roman et qui “s’épanouira” dans tout l’excès du délire maternel (obsessions en tous genres, en particulier celui des dangers). Il ne cherchera pourtant pas à l’analyser, estimant n’avoir dans ce cas, que l’expression de la plus totale dévotion d’une mère envers ses enfants… des enfants aux pieds ferrés et qui savent voler… Il y a aussi le curé, personnage haut en couleurs pour lequel la religion est un “luxe” que ses paroissiens païens sont incapables d’entendre. Jacquemort qui se dit clairement “vide de tout désir” et qui cherche à se remplir des autres, passe ainsi à côté du cas analytique le plus frappant du roman, La Gloïre, sorte de passeur, son double symbolique.

Il ressentait une sorte d’inquiétude, l’impression de parler à quelqu’un d’une autre planète. Sensation bien connue, certes, certes.
- Il faut que je les repêche avec mes dents, dit l’homme. Les choses mortes ou les choses pourries. On les jette pour cela. Souvent on les laisse pourir exprès pour pouvoir les jeter. Et je dois les prendre avec mes dents. Pour qu’elles crèvent entre mes dents. Qu’elles me souillent le visage.
- On vous paie cher pour cela ? demanda Jacquemort.
- On me fournit la barque, dit l’homme, et on me paie de honte et d’or.

Selon un calendrier de plus en plus farfelu, les jours passent, les mois, les années, contaminant notre homme qui finit par s’incorporer totalement aux us et coutumes du village, au point de délaisser son métier et l’objet de sa venue. C’est l’échec de la figure du psychiatre et le triomphe de la folie organisée.

* L’arrache-cœur doit son nom à un autre roman de Boris Vian, L’écume des jours, dans lequel le personnage principal assassine un certain “Jean-Sol Partre” au moyen d’un terrible “arrache-cœur”.

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Boris Vian, maternité, Psychanalyse
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Evguénie Sokolov : les flatulences romanesques de “l’homme à la tête de choux”…

paquita | 25 novembre 2010

evguenieParu en 1980 et sous titré Conte parabolique, Evguénie Sokolov est un roman concis au style classieux, tout-à-fait dans l’esprit fin-de-siècle et plus précisément “Je m’en foutiste”. Il se présente comme une grosse blague, voire un délire scatologique, mais recèle en réalité bien des pistes de lectures sur l’auteur, son œuvre, sa conception de la création ou encore sa vision des rapports humains.

C’est l’histoire d’un mec, peintre raté, qui fortuitement parvient à créer des toiles qui lui apporteront argent et célébrité. Atteint de perpétuelles flatulences, l’homme découvre un jour en peignant que la puissance de ses gaz le font dévier sur la toile, conférant à son travail un “élan” inattendu. D’une manière toute aussi incongrue, son “art flatulent” plaît. Misanthrope, torturé, perpétuellement insatisfait, le personnage d’Evguénie Sokolov qui est aussi la voix du texte, peut être vu comme un double troublant de l’auteur. Un double fictionnel qui lui permet peut-être d’assouvir les tourments existentiels qui l’animaient dans le réel. Le roman peut aussi être comprit comme LA métaphore Gainsbourienne de ce que l’homme pensait de “l’art mineur” qu’il pratiquait (la chanson) et les regrets amers qu’il exprima toujours envers la peinture. Mais c’est aussi une critique sévère du monde de l’art, des impostures de ceux qui le façonnent, des incompétences de ceux qui l’achètent et du mercantilisme de tous. Avec ce roman idéalement construit qui se lit d’une traite, Gainsbourg démontre brillament qu’il est un “homme de lettres” au sens plein du terme. On regrette qu’il n’y en ai eu qu’un, mais peut-être était-ce le souhait du “beau Serge” ?

Pour finir, Evguénie Sokolov c’est aussi le titre d’une chanson à la mélodie “évocatrice” que l’on pourra apprécier sur l’album Mauvaise nouvelle des étoiles sorti en 1981.
Chez Gainsbourg, tout fait sens…

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Evguénie Sokolov, peinture, Serge Gainsbourg
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Le Cri du sablier - Chloé Delaume

paquita | 2 octobre 2010

crisablierParu en 2001 et Prix Décembre la même année, Le Cri du sablier est le second roman de Chloé Delaume.

C’est un texte dense, violent, lourd comme le trauma qu’il raconte. Sa langue chargée, évoque immédiatement la folie d’Artaud (L’arve et l’aume) père putatif revendiqué dans le nom de plume, mais il convoque aussi la puissance poétique d’un Lautréamont. Il n’est pas facile d’y entrer. Adepte du sujet-verbe-complément-ponctuation s’abstenir. Mais la persévérance oblige l’exigence de l’auteure. Le lecteur est vite récompensé. Le méli-mélo verbal, qui dit bien le méli-mélo mental, dévoile le fond de l’histoire, la genèse de Chloé, double à peine voilé de l’auteur et narratrice de sa propre histoire. Le nom de plume marque aussi la problématique du prénom (Chloé empruntée à L’écume des jours, autre personnage étouffant) de la douleur de n’être point nommée par ceux-là même qui devraient l’aimer. Chloé, l’enfant qui ne parle pas, remonte le fil de son enfance en partant de la scène qui l’amputa pour longtemps de l’usage de la parole, sorte de scène primitive inversée et sanglante. Une histoire de noms, une histoire de nons, de nombres, une histoire de famille déchirée, mais surtout une mise à distance qui permet à l’œuvre de s’écrire et peut-être, d’expurger les démons parentaux… Si la famille est le lieu premier de l’aliénation, il peut être aussi, par la force de l’intelligence et du talent, l’origine d’une création neuve, validant une fois de plus la thèse de Marthe Robert (Roman des origines et origines du roman). Le sablier c’est le temps qui s’égrène, le temps nécessaire à la recouvrance de ce qui est dicible. Le sable c’est la madeleine, le sablier c’est l’enfant dans l’adulte qui se souvient et se vide, lentement. L’écoulement du sable c’est le cri silencieux mais continu, la logorrhée embourbée des mots car les mots sont enterrés si profond et il y a tant à dire.

Enfin, on ne peut reprocher à l’auteure d’avoir cédé aux sirènes du roman familial, ici tragédie innommable. On ne peut que reconnaître la qualité du texte, la sincérité de ses intentions. Le Cri du sablier nous confirme qu’avec de la boue, on peut bel et bien… faire de l’or.

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Chloé Delaume, Le Cri du sablier, Psychanalyse
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Une chambre à soi - Virginia Woolf

paquita | 24 août 2010

virginiawoolf1Publié en 1929, A room of owner own est un essai éminemment précieux, tant par son discours que par sa forme. Le thème qu’il réfléchit - les femmes et le roman - a beaucoup nourri l’imaginaire masculin des romanciers, essayistes et autres psychanalystes. Il reste encore aujourd’hui bourré de clichés : Ah ! le “mystère” de la femme, cet être lunaire dont on ne peut saisir l’essence que par la poésie ou la forme romanesque, prolongement naturel, voire miroir de la psyché féminine…

Dans son essai, Virginia Woolf  fait preuve d’un recul critique étonnant pour l’époque. Clairvoyante et moderne, elle n’épargne ni les hommes ni les femmes, et travaille à se dégager de tout stéréotype ou conclusion hâtive. Une chambre à soi c’est d’abord la métaphore de l’indépendance économique et de l’autonomie affective. Indépendance indispensable à toute femme de l’époque désirant écrire, cette activité étant jusqu’alors majoritairement réservée aux hommes. Bien que Virginia Woolf décrive essentiellement le profil d’une femme de condition bourgeoise, et qu’elle s’adresse à un public universitaire, son propos est universel. Au début du siècle dernier, les hommes en effet, considéraient que la femme n’était pas en mesure de concevoir des œuvres intellectualisées, de se projeter dans le champ des concepts. La bourgeoise plus que la prolétaire était cantonnée au rôle de mère et d’épouse. Discriminations qu’une chambre à soi fait voler en éclats par son existence même. Le style de l’auteure se démarque aussi par sa liberté de ton, sa manière à la fois sensible, poétique et critique de tirer le fil de sa réflexion.

C’est pourquoi je vous propose, usant de toutes les libertés et de toutes les licences permises à une romancière, de vous raconter l’histoire des deux jours qui précédèrent ma venue ici - de vous raconter comment, ployant sous le poids du sujet dont vous aviez chargé mes épaules, je l’ai médité, entretissé aux gestes de ma vie quotidienne, puis rejeté.

Divisé en 6 chapitres, le livre se présente comme le récit d’une conférence. Woolf, dans la peau du professeur, s’adresse à une assemblée d’étudiantes mais c’est bien elle qu’elle interroge, au moyen de sa propre expérience, teintée de fiction. Elle passe du particulier au général, de son propre rapport au monde, aux hommes, aux lettres, pour créer des passerelles intelligibles avec la condition féminine de son temps. Les digressions assumées de la romancière sont une forme toute personnelle de maïeutique, qui lui permet d’accoucher de ses idées. Car on se demande, au cours de la lecture, où elle veut nous emmener. Il est vrai que le thème abordé ne peut se penser unilatéralement. Il convient d’en explorer toutes les facettes (histoire, société, art) s’il l’on souhaite parvenir, sinon à une réponse, du moins à une vision à peu près claire et hiérarchisée du rapport qui peut exister entre les femmes et le roman, si toutefois ce rapport existe…

Cet essai est donc un récit en soi, qui pose les fondements d’un féminisme rationnel et nuancé, par opposition à un féminisme militant, voire revanchard. Extrêmement riche, on ne peut faire le tour de ce texte en une seule lecture, qui est aussi une petite leçon de fiction et de dérision. C’est donc un livre de chevet qui se lit et se relit, comme un palimpseste, avec autant de plaisir que de profit.

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essai, féminisme, Virginia Woolf
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Petits contes cruels pour grands enfants pas sages : à table !!!

paquita | 12 avril 2010

aurelio1Voici une BD française (oui môssieur, oui mâdame) au format comic book et à l’esprit fanzine qui mérite le détour ! Constitués de treize récits, les Petits contes cruels pour grands enfants pas sages puisent aux sources du climat expressionniste avec une délectation communicative : perspectives bancales, personnages effrayants, histoires burlesco-morbides, bref tout ce qu’on aime !

Un certain Aurélio, créateur de ces petites merveilles artisanales, a développé et mis en scène un univers tordu et tendre à la fois, aux dessins inspirés et très stylisés. Ses histoires se lisent comme des comptines et se regardent longtemps, afin d’en goûter pleinement la richesse du trait, le soucis du détail. Il convient de souligner le travail de l’éditeur qui livre ici un bel objet, imprimé en bichromies. En effet, chaque récit arbore sa propre couleur, procédé ingénieux qui permet d’accentuer l’effet recherché (montée de l’angoisse par exemple). Ces récits brefs sont parfois précédés d’une morale que le bédéaste s’emploie alors à illustrer d’une manière personnelle et poétique, usant d’un humour noir fort délicat. On remarque aussi une grande inventivité, laquelle tire sa source des angoisses et désirs contrariés de la nature humaine ou d’états mentaux limites. La composition des planches, le découpage des cases et la narration sont originaux, pensés, pesés. Les titres en forme de clins d’œil donnent le ton, en lettres gothiques cela va sans dire ! Coups de cœur pour “Acouphène ou le compositeur fou”,  “Junkie Christmas”, “La faim de l’ogre”, “Tiempo de paz” ou encore “Le théâtre de la vie”. L’enfilade de ces contes cruels exquis, souvent empreints de romantisme, est un régal pour les yeux comme pour l’esprit.

Enfin, on peut dire qu’Aurélio creuse le sillon du fantastique avec un style dans lequel on remarque des filiations et cousinages (certains personnages évoquent ceux du “Nightmare Before Christmas”, on pense aussi aux Shadoks, princes de l’absurde, à la folie minutieuse de Crumb) mais dont il s’affranchit avec un talent singulier. Que soit vivement remercié ce grand enfant pas sage qui sait si bien nous mettre en appétit !

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Aurélio, Les presses Littéraires, Petits contes cruels pour grands enfants pas sages
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Gabrielle Wittkop : celle qui sentait le souffre

paquita | 1 février 2010

L’art a le droit de s’engager dans le royaume de nos pensées les plus secrètes… C’est son privilège. Walerian Borowczyk

Née en 1920, on pourrait dire de Gabrielle Wittkop qu’elle fût un peu le “maillon manquant” au féminin, d’une gabilittérature dite de la transgression. C’est d’ailleurs à ce type de critère (écrivain souterrain, quasi-invisible du grand public) que l’on reconnait la plupart du temps, une œuvre originale et pérenne. Héritière du décadentisme et de la cruauté, solidement plantée entre les piliers de l’histoire littéraire que sont Huysmans et Sade, cette auteure sulfureuse au style classique mais nullement moribond, maniait avec brio une langue précise et brûlante, toujours exigeante. Ces fictions empruntaient souvent la forme du journal, le mode de la confession soudain exhibée. Ainsi c’est à un voyage initiatique que nous vous invitons, sur les terres grisantes de Gabrielle, à la lumière ténébreuse de deux de ces romans : Le nécrophile (1972) premier roman et “coup de maître” paru chez Régine Desforges et La marchande d’enfants (2003) publication posthume.

Comme l’annonce Le Nécrophile, la mort et la sexualité seront omniprésents dans les textes de “La Wittkop”. Essayer necrophiled’imaginer le scandale que cette thématique morbide, pensée et élaborée par une femme a pu provoquer au début des années 70, est une gageure. On tentera simplement d’esquisser un croquis de ce texte somptueux, sans en dévoiler les arcanes majeures : un homme raconte à travers son journal intime sa préférence contre-nature pour la nécrophilie, terme qu’il ne s’attribuera que tardivement dans le récit. Antiquaire de profession, il nous fait pénétrer dans un univers mental ou les codes sociaux et la raison sont continuellement transgressés, où les goûts et les dégoûts s’inversent, où le plaisir se prend sans l’accord de l’autre-muet, dans l’angoisse et dans la honte. Le journal intime lui permet de se livrer “corps et âme” avec une candeur plus monstrueuse que l’acte lui-même, et de projeter à la face du lecteur absent (car le journal ne s’adresse qu’à soi-même) cette passion déliquescente qui le dévore, car les cadavres ne “durent” pas. Et cependant, la répétition de ces pratiques secrètes semble conférer une forme d’immortalité au geste nécrophile, une addiction même.

L’immense foule endeuillée se pressait dans les allées, parmi des gloires de chrysanthèmes et l’air avait la saveur amère, enivrante de l’amour. Eros et Thanatos. Tous ces sexes sous la terre, y pense-t-on jamais ?

Cette attraction malsaine trouvera quelque explication dans la mémoire du narrateur, faisant de la mort sa madeleine, et de son journal, un “pur” fragment de poésie noire.

La marchande d’enfants sent bon le XVIII ème siècle et le roman par lettres. Il semble que Gabrielle Wittkop marchande_enfantsavait décidé d’explorer et de repousser jusqu’au bout, et du genre et de sa vie, les limites de l’indécence. Les limites de ce qu’une femme peut se permettre d’écrire, ce dont il faut lui rendre grâce. Nous sommes à la veille de la révolution française. Une femme raconte et conseille à une amie et “consoeur”, comment elle doit s’y prendre pour faire tourner son “commerce”. On aura compris par le titre, de quel type de commerce il s’agit. Moins angoissé car moins introspectif que Le nécrophile, ce roman historiquement informé, plonge le lecteur dans un voyeurisme délicieusement coupable. Il pose lui aussi la question de la norme sexuelle, de l’hypocrisie généralisée d’un siècle dans lequel le raffinement et la barbarie faisaient “bon ménage”. On peut parler de texte politique, au sens moral de ce que l’on nomme aujourd’hui le “politiquement correct” et au sens idéologique, l’humanisme censé fonder l’esprit de la révolution, révélant paradoxalement son côté obscur.

Je me souviens avoir assisté, il n’y a pas si longtemps, à l’abominable spectacle du char à Pataclin où l’on entassait putes et maquerelles menées à Bicêtre, sous les huées d’une populace qui, n’en doutons pas, se ruait derechef vers ses taudis pour y copuler à la manière des verrats.

Ce qui est frappant et qui relie ces textes, c’est la force avec laquelle la voix des personnages s’incarne, la puissance avec laquelle leurs discours s’animent. Il faut avoir une longue expérience de la vie et une fine connaissance du coeur humain pour parvenir à un tel degré de compréhension interne, doublée d’une remarquable intelligence du texte. Il y a fort à parier qu’à travers ses personnages de paria, G. W. déploya ce que nulle autre femme auparavant n’avait osé : l’envers le plus cruel, le plus odieux, le plus amoral de la figure humaine. Pour les lecteurs assidus de Gabrielle Wittkop, l’écrivaine demeurera l’Erzsébet Bathory de la littérature, un peu vampire et beaucoup écrivain.

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anticonformisme, Gabrielle Wittkop, Littérature
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Lettre morte - Linda Lê

paquita | 20 octobre 2009

L'ange de la mort (détail) - Odilon Redon

Paru en 1999, “Lettre morte” se présente comme un récit fictif. Qu’il trouve sa source dans le biographique de l’auteure, n’importe que dans la mesure où il donne un ton, une profondeur au récit, que seule l’authenticité de l’expérience vécue peut apporter. Ici c’est donc la mort qui donne la vie, la mort d’un père qui donne naissance au roman. Ce roman est la réponse posthume que la narratrice adresse au père qu’elle a laissé mourir dans la solitude. Cette “lettre morte” sait qu’elle arrive trop tard, mais tente néanmoins de restituer la mémoire des événements qui l’ont précédée. Cet appel déchirant ne sombre pas complètement dans le silence et l’oubli. Il s’adresse à Sirius, l’ami, le confident, l’étoile qui brille dans les ténèbres de la culpabilité et les égarements de la folie. Il est celui qui ne s’exprime pas directement, mais dont les paroles raisonnables sont rapportées au cours du récit, comme autant de lanternes éclairant la nuit. A défaut de s’adresser au mort qui ne cesse de la hanter, elle s’adresse donc à Sirius sur ce ton un peu solennel qui évoque la poésie antique. Pour autant le récit n’en est pas alourdi, au contraire. Ce monologue parfois un peu théâtral, confère à la violence des émotions ressenties une certaine douceur, une fluidité lyrique qui transcende la douleur. C’est bien le remord qui est à l’origine de ce récit, qui le travaille et fait travailler la mémoire de celle qui raconte son père vieillissant au Vietnam, tandis qu’à Paris, elle, court après l’amour du funeste Morgue et de la “gloire littéraire”. Cette culpabilité de n’avoir pas été présente le jour de sa mort, fait resurgir les souvenirs de l’enfance au pays natal, la bienveillance du père mais aussi sa déchéance conjugale, son alcolisme, l’absence de la mère, l’omniprésence d’un oncle fou. Aux nombreuses lettres que ce père dévoué adresse à sa fille exilée, parviennent des réponses irrégulières, distraites par l’agitation occidentale. Petit-à-petit, l’amour perdu du père se superpose à l’amour inexistant de l’amant. Le père écrit à sa fille qui ne répond pas. La fille écrit à l’amant qui ne répond pas. Il est question de relations épistolaires manquées. Chacun court après l’insaisissable enfant, l’inssaisissable amant, et in fine, après le temps perdu. Sombre, introspectif, ce récit n’en demeure pas moins un pur cristal de poésie et parvient à trouver une issue lumineuse à cette  impossible quête du pardon.

linda_le3Linda Lê est l’auteur de dix-huit livres avec dernièrement ”In memoriam” (2007). Elle a également écrit trois chansons pour Jacques Dutronc, figurant sur l’album “brèves rencontres” (1995).

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