Le Cri de la Virgule

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Peur(s) du noir

paquita | 2 mars 2011

peursArticle paru dans le n° 92 de Montrouge Magazine.

Loin, très loin de la sophistication des images de synthèse, de la 3D et de la pauvreté de leurs scénarios, Peur(s) du noir nous convie à un voyage onirique en noir & blanc, au cœur de nos angoisses et autres phobies.

Quatre courts-métrages constituent ce film d’animation, ponctué par la voix off d’une femme confiant ses peurs intimes à l’écoute attentive d’un tiers : ami, psychanalyste,  elle même peut-être… Comme dans un rêve, les histoires sont reliées entre elles par cette voix qui parfois chuchote, parfois se révolte, mais aussi avec l’apparition régulière et sépulcrale d’un “meneur de loups”, crayonné au fusain. Ces “chiens de l’enfer” avides de chair humaine se font symboles des cauchemars qui nous hantent et peuvent nous dévorer. Chaque récit singulier est né de l’imagination d’un auteur de bande dessinée : fascination/répulsion pour le monde des insectes, sadismes infantiles, peur des fantômes, solitude et folie, sont parmi les thèmes explorés. La recherche graphique qui met l’accent sur le dessin et les contrastes, renoue avec le climat expressionniste des débuts du cinéma. Les voix des personnages racontant leur histoire s’incarnent dans celles de Nicole Garcia, Guillaume Depardieu ou encore Arhur H. A cela s’ajoute une bande son digne d’un long métrage fantastique et l’on obtient un petit bijou d’intemporalité.

Multi-récompensée et qualifiée à juste de titre de “superbe aventure graphique”, le succès de Peur(s) du noir s’avère moins médiatique que celui de Persépolis, mais tout aussi important pour la reconnaissance méritée d’un cinéma d’animation audacieux et plein d’inventivité.

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animation, noir et blanc, peur(s) du noir
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Monster : l’horreur au féminin ?

paquita | 17 janvier 2011

monsterMonster est un film de femmes, réalisé par une femme, Patty Jenkins, mais avec une portée universelle. Il soulève, au-delà du fait-divers sordide, des problématiques économiques et sociales qui entraînent inévitablement, leur cortège de misères affectives et de destruction.

Adaptée de l’histoire tragique et complexe d’Aileen Wuornos, baptisée à tort “première tueuse en série” aux Etats-Unis, cette 3ème vision filmique, tente de reconstituer le cheminement interne qui conduisit Aileen à la chaise électrique, en octobre 2002. Ce qui pourrait être considéré comme la “source” du malaise d’Aileen (les maltraitances subies dans l’enfance, la prostitution à l’adolescence) n’est pas reconstituée mais esquissée. En effet, le récit se focalise sur l’histoire d’amour que vivra Aileen avec Selby, coup-de-foudre réciproque qui lui donnera enfin une raison de ne pas mourir. Comme preuve d’amour absolu et parceque qu’elle ne sait rien faire d’autre, Aileen décide de subvenir aux besoins matériels du couple en continuant à se prostituer. Mais le destin mettra sur sa route un fou-dangereux qui la torturera et mettra sa vie en péril. La série des meurtres d’hommes fréquentant des prostituées, débute donc par un acte de légitime défense.

charlizeIci il faut souligner l’ incarnation magistrale de Charlize Théron, légitimement récompensée en 2003 pour ce rôle hors-norme. Servie par une métamorphose physique stupéfiante, elle s’accorde parfaitement avec l’interprétation de cette femme aux blessures multiples, à vif et pourtant débordante d’énergie. Bourrée de contradictions et d’un mal de vivre que l’abus d’alcool n’apaise en rien, elle n’en est pas moins pourvue d’une logique qui est celle de la rue et de la survie. Dans une scène particulièrement symbolique, elle développe en termes poignants et parfaitement intelligibles, sa ”théorie” du meurtre, laquelle se fonde sur son expérience de l’homme, balayant une moralité ou une conscience dont ces derniers, par machisme ou hypocrisie chrétienne, se seraient défaits. Pendant toute la durée du film, c’est Aileen que nous voyons évoluer, se malmener et malmener les autres, se battre avec une intelligence forgée dans la violence et la solitude, aimer avec l’abnégation des gens de foi et le fanatisme d’un manque affectif abyssal. A aucun moment, la réalisatrice ne sera tentée de la rendre moins abîmée à l’image, un peu plus attrayante. L’intégrité fut, semble-t-il, l’attitude-reine de ce tournage et confère au film une force d’attraction peu commune.

Enfin, son esthétique “prolétaire”, souvent pluvieuse, sale, dessinant un paysage architectural et culturel pauvre de ce qu’on a coutume d’appeler “l’amérique profonde”, nous plonge dans l’univers glauque d’Aileen et dans la mécanique inéluctable d’une asphyxie programmée.

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Charlize Theron, Monster, réalisatrice
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Evguénie Sokolov : les flatulences romanesques de “l’homme à la tête de choux”…

paquita | 25 novembre 2010

evguenieParu en 1980 et sous titré Conte parabolique, Evguénie Sokolov est un roman concis au style classieux, tout-à-fait dans l’esprit fin-de-siècle et plus précisément “Je m’en foutiste”. Il se présente comme une grosse blague, voire un délire scatologique, mais recèle en réalité bien des pistes de lectures sur l’auteur, son œuvre, sa conception de la création ou encore sa vision des rapports humains.

C’est l’histoire d’un mec, peintre raté, qui fortuitement parvient à créer des toiles qui lui apporteront argent et célébrité. Atteint de perpétuelles flatulences, l’homme découvre un jour en peignant que la puissance de ses gaz le font dévier sur la toile, conférant à son travail un “élan” inattendu. D’une manière toute aussi incongrue, son “art flatulent” plaît. Misanthrope, torturé, perpétuellement insatisfait, le personnage d’Evguénie Sokolov qui est aussi la voix du texte, peut être vu comme un double troublant de l’auteur. Un double fictionnel qui lui permet peut-être d’assouvir les tourments existentiels qui l’animaient dans le réel. Le roman peut aussi être comprit comme LA métaphore Gainsbourienne de ce que l’homme pensait de “l’art mineur” qu’il pratiquait (la chanson) et les regrets amers qu’il exprima toujours envers la peinture. Mais c’est aussi une critique sévère du monde de l’art, des impostures de ceux qui le façonnent, des incompétences de ceux qui l’achètent et du mercantilisme de tous. Avec ce roman idéalement construit qui se lit d’une traite, Gainsbourg démontre brillament qu’il est un “homme de lettres” au sens plein du terme. On regrette qu’il n’y en ai eu qu’un, mais peut-être était-ce le souhait du “beau Serge” ?

Pour finir, Evguénie Sokolov c’est aussi le titre d’une chanson à la mélodie “évocatrice” que l’on pourra apprécier sur l’album Mauvaise nouvelle des étoiles sorti en 1981.
Chez Gainsbourg, tout fait sens…

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Evguénie Sokolov, peinture, Serge Gainsbourg
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Le Cri du sablier - Chloé Delaume

paquita | 2 octobre 2010

crisablierParu en 2001 et Prix Décembre la même année, Le Cri du sablier est le second roman de Chloé Delaume.

C’est un texte dense, violent, lourd comme le trauma qu’il raconte. Sa langue chargée, évoque immédiatement la folie d’Artaud (L’arve et l’aume) père putatif revendiqué dans le nom de plume, mais il convoque aussi la puissance poétique d’un Lautréamont. Il n’est pas facile d’y entrer. Adepte du sujet-verbe-complément-ponctuation s’abstenir. Mais la persévérance oblige l’exigence de l’auteure. Le lecteur est vite récompensé. Le méli-mélo verbal, qui dit bien le méli-mélo mental, dévoile le fond de l’histoire, la genèse de Chloé, double à peine voilé de l’auteur et narratrice de sa propre histoire. Le nom de plume marque aussi la problématique du prénom (Chloé empruntée à L’écume des jours, autre personnage étouffant) de la douleur de n’être point nommée par ceux-là même qui devraient l’aimer. Chloé, l’enfant qui ne parle pas, remonte le fil de son enfance en partant de la scène qui l’amputa pour longtemps de l’usage de la parole, sorte de scène primitive inversée et sanglante. Une histoire de noms, une histoire de nons, de nombres, une histoire de famille déchirée, mais surtout une mise à distance qui permet à l’œuvre de s’écrire et peut-être, d’expurger les démons parentaux… Si la famille est le lieu premier de l’aliénation, il peut être aussi, par la force de l’intelligence et du talent, l’origine d’une création neuve, validant une fois de plus la thèse de Marthe Robert (Roman des origines et origines du roman). Le sablier c’est le temps qui s’égrène, le temps nécessaire à la recouvrance de ce qui est dicible. Le sable c’est la madeleine, le sablier c’est l’enfant dans l’adulte qui se souvient et se vide, lentement. L’écoulement du sable c’est le cri silencieux mais continu, la logorrhée embourbée des mots car les mots sont enterrés si profond et il y a tant à dire.

Enfin, on ne peut reprocher à l’auteure d’avoir cédé aux sirènes du roman familial, ici tragédie innommable. On ne peut que reconnaître la qualité du texte, la sincérité de ses intentions. Le Cri du sablier nous confirme qu’avec de la boue, on peut bel et bien… faire de l’or.

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Chloé Delaume, Le Cri du sablier, Psychanalyse
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Une chambre à soi - Virginia Woolf

paquita | 24 août 2010

virginiawoolf1Publié en 1929, A room of owner own est un essai éminemment précieux, tant par son discours que par sa forme. Le thème qu’il réfléchit - les femmes et le roman - a beaucoup nourri l’imaginaire masculin des romanciers, essayistes et autres psychanalystes. Il reste encore aujourd’hui bourré de clichés : Ah ! le “mystère” de la femme, cet être lunaire dont on ne peut saisir l’essence que par la poésie ou la forme romanesque, prolongement naturel, voire miroir de la psyché féminine…

Dans son essai, Virginia Woolf  fait preuve d’un recul critique étonnant pour l’époque. Clairvoyante et moderne, elle n’épargne ni les hommes ni les femmes, et travaille à se dégager de tout stéréotype ou conclusion hâtive. Une chambre à soi c’est d’abord la métaphore de l’indépendance économique et de l’autonomie affective. Indépendance indispensable à toute femme de l’époque désirant écrire, cette activité étant jusqu’alors majoritairement réservée aux hommes. Bien que Virginia Woolf décrive essentiellement le profil d’une femme de condition bourgeoise, et qu’elle s’adresse à un public universitaire, son propos est universel. Au début du siècle dernier, les hommes en effet, considéraient que la femme n’était pas en mesure de concevoir des œuvres intellectualisées, de se projeter dans le champ des concepts. La bourgeoise plus que la prolétaire était cantonnée au rôle de mère et d’épouse. Discriminations qu’une chambre à soi fait voler en éclats par son existence même. Le style de l’auteure se démarque aussi par sa liberté de ton, sa manière à la fois sensible, poétique et critique de tirer le fil de sa réflexion.

C’est pourquoi je vous propose, usant de toutes les libertés et de toutes les licences permises à une romancière, de vous raconter l’histoire des deux jours qui précédèrent ma venue ici - de vous raconter comment, ployant sous le poids du sujet dont vous aviez chargé mes épaules, je l’ai médité, entretissé aux gestes de ma vie quotidienne, puis rejeté.

Divisé en 6 chapitres, le livre se présente comme le récit d’une conférence. Woolf, dans la peau du professeur, s’adresse à une assemblée d’étudiantes mais c’est bien elle qu’elle interroge, au moyen de sa propre expérience, teintée de fiction. Elle passe du particulier au général, de son propre rapport au monde, aux hommes, aux lettres, pour créer des passerelles intelligibles avec la condition féminine de son temps. Les digressions assumées de la romancière sont une forme toute personnelle de maïeutique, qui lui permet d’accoucher de ses idées. Car on se demande, au cours de la lecture, où elle veut nous emmener. Il est vrai que le thème abordé ne peut se penser unilatéralement. Il convient d’en explorer toutes les facettes (histoire, société, art) s’il l’on souhaite parvenir, sinon à une réponse, du moins à une vision à peu près claire et hiérarchisée du rapport qui peut exister entre les femmes et le roman, si toutefois ce rapport existe…

Cet essai est donc un récit en soi, qui pose les fondements d’un féminisme rationnel et nuancé, par opposition à un féminisme militant, voire revanchard. Extrêmement riche, on ne peut faire le tour de ce texte en une seule lecture, qui est aussi une petite leçon de fiction et de dérision. C’est donc un livre de chevet qui se lit et se relit, comme un palimpseste, avec autant de plaisir que de profit.

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essai, féminisme, Virginia Woolf
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Relax : la colère post-punk de FRUSTRATION

paquita | 24 juin 2010

relaxUn article plus synthétique est paru dans le n° 89 de Montrouge Magazine.

A l’origine de tout processus créatif, il y a un sentiment d’inconfort, une pulsion qui demande l’expulsion, une frustration : “We have some” !! C’est ce sentiment universel, évoqué par la pochette industrielle du disque, que les membres du groupe éponyme ont choisi d’explorer en musique. Biberonnés au punk-rock de Charles de Goal, nourris du son cold de Joy Division, influencés par le rock expérimental de The Fall (entre autres) les Frustration ont créé un album qui mêle énergie “mâle” et sensibilité à fleur de peau. Bénéficiant d’une solide expérience dans la musique underground (ex Teckels, Warum Joe, No Talents, actuellement Anteenagers MC) le quintet rock avec Fabrice au chant, Nicus à la guitare, Manu à la basse, Fred aux claviers et Mark à la batterie, parvient à faire oublier les maîtres. Et c’est bien à cette maturité artistique que l’on identifie les grands, qui les rend immédiatement reconnaissables : différents. Avec Relax (2008) on ne sombre jamais dans l’introspection dépressive, la colère vaut mieux car elle est un moteur, un élan vital. On ne peut pas dire que les textes soient à proprement parler “politiques”,  mais ils ont une portée contestataire, “romantique” au sens initial du terme. Onze titres ravageurs figurent au compteur de cet album au rock sombre, puissant, enrichi d’effets électro et de petites trouvailles décalées. Les titres parlent d’eux-même :  “Too many questions” (qui ne s’en pose pas), “She’s so tired” (qui ne l’est pas) ou encore “Waiting for the bad things” (on ne peut plus clair). Le phénomène identificatoire tourne à plein régime. Les tourments existentiels sont le cœur de l’album : passion déchirée (”Shake me”), amitié en péril (”Relax”), impuissance d’être au monde (”So many questions”), injustice sociale (”As they said”). Chaque titre est un univers à lui seul, comme le martial “Brothers” qui évoque d’un bon upercut la camaraderie de la “working class” et s’inspire des traumas de la guerre. Autre son de cloche avec l’ industriel “Shades from the past” morceau instrumental et inquiétant, qui élargit la palette des Frustrations. Le psychotique “Faster” clos l’album sur une note hurlante et vertigineuse, qui laisse exsangue et orphelin. Encensé par la presse rock, Frustration est une véritable machine de guerre, dont les concerts électriques vous embarquent sans vous demander votre avis. Signés chez Born Bad, label parisien indépendant et spécialiste du vrai rock’n'roll, Relax est également disponible en vinyle, évidemment indispensable !

Discographie : Full of sorrow (mini LP de 6 titres) versions 2004 & 2006 - Relax (album de 11 titres) 2008

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Cold Wave, Frustration, Post-Punk
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Mary Poppins : fantaisie et anticapitalisme !

paquita | 16 mai 2010

21marypoppinsafficheHabituellement, je n’aime pas les comédies musicales pour bambins : c’est hystérique, mièvre et ça fait du bruit. Je n’avais donc jamais vu ce film (sorti en 1964) et m’en faisait une idée calquée sur mes préjugés : cul-cul la praline, vieillot, probablement moraliste, etc. Mais à mon grand étonnement j’ai découvert une véritable perle ! Il y a bien un miracle Mary Poppins, une étonnante alchimie qui opère et vous fait redevenir enfant, comme si vous n’aviez jamais quitté cet état.

Tout d’abord, comme dans Alice aux pays des merveilles, la normalité y est remise en question. La logique se renverse pour faire place à la fantaisie et à la magie. Ainsi Mary Poppins se déplace-t-elle par voie aérienne, au moyen d’un parapluie largement déployé : jolie modernisation du balai de sorcière et fantasme d’envol partagé par bon nombre d’enfants. L’étrange jeune femme s’invite donc dans une famille débordée, les frasques des rejetons faisant fuir les nanys les plus expérimentées. Mais derrière le verni de cette famille apparemment sans tâches, aux mœurs bourgeoises, un tantinet réactionnaires, se profile un malaise né de l’incommunicabilité entre le monde des enfants et celui des adultes. Toujours avenante, cette nany hors-normes n’en sera pas moins critique, tant à l’égard de l’éducation prodiguée aux enfants, que vis-à-vis du comportement de ces derniers. C’est une espèce d’éducation alternative qu’elle s’emploie à dispenser, mêlant des caractéristiques à priori incompatibles : bonne humeur, imagination et surtout rigueur… Ces nouvelles règles visent le déconditionnement des enfants, des parents mais aussi celui du “personnel de maison” (nous sommes au début du XXème siècle, chez les riches).

Techniquement, le mariage du réalisme et du dessin animé sont un enchantement, car ils réactivent instantanément ces visions enfantines dans lesquelles le réel se mêle harmonieusement au rêve. On se trouve littéralement embarqué dans des péripéties folles, faisant intervenir des personnages rocambolesques, tantôt humains tantôt dessinés et des lieux du commun qui révèlent tout-à-coup leur nature extraordinaire. Mary, tout en entraînant les enfants dans son sillage, conserve toujours sa dignité et leur démontre que l’on peut vivre pleinement des aventures extravagantes, en demeurant une personne crédible et de confiance. Cette comédie musicale, pleine d’humour et jamais gnan-gnan, délivre in fine une “morale” assez inattendue, fondée sur le partage des richesses, qu’elle soit économique ou affective. Une chute surprenante pour une œuvre produite dans un pays où l’individualisme fait loi et qui évoque le poignant ”Conte de noël” de Charles Dickens.

Enfin, on rit beaucoup et sans façons des milles et unes trouvailles de ce film plein d’imagination, de tonus et de finesse. Vivement recommandé en cas de grisaille morale !

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enfance, invention, Mary Poppins
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Petits contes cruels pour grands enfants pas sages : à table !!!

paquita | 12 avril 2010

aurelio1Voici une BD française (oui môssieur, oui mâdame) au format comic book et à l’esprit fanzine qui mérite le détour ! Constitués de treize récits, les Petits contes cruels pour grands enfants pas sages puisent aux sources du climat expressionniste avec une délectation communicative : perspectives bancales, personnages effrayants, histoires burlesco-morbides, bref tout ce qu’on aime !

Un certain Aurélio, créateur de ces petites merveilles artisanales, a développé et mis en scène un univers tordu et tendre à la fois, aux dessins inspirés et très stylisés. Ses histoires se lisent comme des comptines et se regardent longtemps, afin d’en goûter pleinement la richesse du trait, le soucis du détail. Il convient de souligner le travail de l’éditeur qui livre ici un bel objet, imprimé en bichromies. En effet, chaque récit arbore sa propre couleur, procédé ingénieux qui permet d’accentuer l’effet recherché (montée de l’angoisse par exemple). Ces récits brefs sont parfois précédés d’une morale que le bédéaste s’emploie alors à illustrer d’une manière personnelle et poétique, usant d’un humour noir fort délicat. On remarque aussi une grande inventivité, laquelle tire sa source des angoisses et désirs contrariés de la nature humaine ou d’états mentaux limites. La composition des planches, le découpage des cases et la narration sont originaux, pensés, pesés. Les titres en forme de clins d’œil donnent le ton, en lettres gothiques cela va sans dire ! Coups de cœur pour “Acouphène ou le compositeur fou”,  “Junkie Christmas”, “La faim de l’ogre”, “Tiempo de paz” ou encore “Le théâtre de la vie”. L’enfilade de ces contes cruels exquis, souvent empreints de romantisme, est un régal pour les yeux comme pour l’esprit.

Enfin, on peut dire qu’Aurélio creuse le sillon du fantastique avec un style dans lequel on remarque des filiations et cousinages (certains personnages évoquent ceux du “Nightmare Before Christmas”, on pense aussi aux Shadoks, princes de l’absurde, à la folie minutieuse de Crumb) mais dont il s’affranchit avec un talent singulier. Que soit vivement remercié ce grand enfant pas sage qui sait si bien nous mettre en appétit !

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Aurélio, Les presses Littéraires, Petits contes cruels pour grands enfants pas sages
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L’ange de la vengeance : Abel Ferrara

paquita | 10 mars 2010

angeL’ange de la vengeance (Ms.45 en anglais) est un film au climat hypnotique et envoûtant. Il représente bien plus qu’un simple film de genre, ici sous-genre du “film d’autodéfense”. Sorti sur les écrans en 1982, le troisième long-métrage d’Abel Ferrara, cinéaste indépendant et underground, est une de ces pépites que seul le cinéma américain peut produire. Viscéral et singulier au coeur même de la contre-culture, il se détache par une esthétique évoquant celle de Taxi Driver ou Permanent Vacation (les couleurs, la mythologie de la ville, la codification des personnages) et par l’originalité du scénario (une jeune-fille violée qui met en oeuvre sa propre vendetta). On y trouve de la violence certes, mais surtout une vengeance qui ne dit pas son nom (l’héroïne est muette) vue et mise en scène par le prisme paranoïaque de cet ange exterminateur, dont la destinée mortelle s’inscrit jusque dans le prénom…

Au commencement est une belle et pure jeune-fille qui travaille dans la confection à Manhatan, dans le comté de New York. Sa fragilité et sa candeur la font avancer dans le monde avec une sorte d’hébétude, de somnanbulisme, qui annoncent le drame : Thana (abréviation de Thanatos) sera violée deux fois le même jour. Une première fois par un homme armé et masqué, derrière lequel se cache Abel Ferrara, sous le pseudonyme de Jimmy Laine. Le viol se déroule dans le lieu le plus glauque de l’immeuble de Thana, un local à poubelles, à ciel ouvert, associant immédiatement l’agression à la saleté, cette saleté qu’il faudra “nettoyer”. L’inconnu s’enfuit. Traumatisée, elle regagne péniblement son appartement pour y trouver un cambrioleur qui, profitant de son mutisme et de sa terreur, la violera à son tour. Mais Thana a de la ressource. Elle lui assène plusieurs coups sur la tête avec une pomme de verre rouge, symbole du fruit défendu et couleur récurrente dans le film, ici détourné pour l’auto-défense. Elle achève ensuite son agresseur à coups de fer-à-repasser, initialement son outil de “travail” qu’elle troquera pour une arme à feu. Enfin, elle le découpe en morceaux, qu’elle conservera “au frais” dans des sacs poubelle, moins par soucis de dissimuler son forfait que par calcul. Car elle les disséminera au hasard des rues, marquant ainsi son désir de se débarasser du viol en se débarrassant de ce qui reste de l’homme : quelques morceaux de viande froide.

Ce qui est frappant chez l’héroïne, c’est le changement paradoxalement salvateur qui la pousse ainsi à sortir d’elle-même, révélant une nature beaucoup moins angélique qu’elle nous apparaissait au début. Les viols l’ont traumatisées, mais au lieu de rester prostrée chez elle, Thana abandonne la passivité et devient actrice de son destin, avec pour moteur une vengeance dirigée contre le genre masculin, perçu comme agresseur potentiel et implicitement, constitutionnel. Armée du pistolet du second violeur, Thana n’aura désormais de cesse d’arpenter les ruelles sombres la nuit, traquant celui ou ceux qui se prendront dans les filins de sa toile. C’est tout naturellement qu’on la suit dans ses pérégrinations, dans cette quête sanglante qui accomplira la transformation d’une jeune fille innocente, en vengeresse implacable. L’ange de la vengeance n’est pourtant pas que le film “d’une femme qui a des comptes à régler avec les hommes”. C’est aussi et surtout un prétexte pour mettre en images le processus d’une paranoïa féminine, révélée par une double agression sexuelle. C’est ce cheminement interne, cette métamorphose qui est au coeur du film, et qui fait réellement violence. Car le monde de Thana, celui qu’elle se construit, est une amplification démesurée des dangers du monde réel, que par ailleurs elle provoque. Une des scènes les plus signifiantes de cette paranoïa est celle où, grimée en nonne défroquée, l’héroïne s’imagine face au miroir encerclée par des agresseurs multiples, qu’elle dégomme consciencieusement, un par un. A cet instant précis, le jeu de l’actrice est saisissant. Elle semble avoir totalement oublié la caméra et dans une sorte de mise en abyme de son propre rôle, joue à l’ange exterminateur, comme une petite-fille le ferait devant la glace. Tout cela n’est pas vraiment réel…

Ms. 45 permet donc au cinéaste de laisser libre-court à la pulsion scopique qui l’anime (et peut-être un désir secret d’émasculation) comme elle anime tout-un-chacun, pulsion satisfaite par la triple violence que déploie son récit : violence corporelle, psychologique et formelle. Enfin, l’interprétation de Zoé Lund est remarquable, toute en finesse, car elle ne se laisse jamais enfermer dans son étrange beauté; beauté qu’elle détourne sous les traits de Thana, à des fins vengeresses. Prématurément décédée en 1999, Zoé Lund co-écrivit le scénario de Bad Lieutenant (1992) autre pépite vertigineuse d’Abel Ferrara. Elle y incarne une toxicomane, état qu’elle connaissait bien pour être le sien dans la vie… L’ange de la vengeance est un film complexe, aux ressorts parfois inattendus, qui ouvre de nombreuses pistes à l’interprétation.

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Abel Ferrara, Zoé Lund
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Control : beautés et dangers du biographique

paquita | 21 février 2010

controlOk, je suis fan de Joy Division. Ce n’est cependant pas une raison pour avaler tout et n’importe quoi, dans l’espoir de ressusciter le cadavre… Bon, Control, ça n’est pas n’importe quoi et pour cause. L’exercice fut hautement périlleux : adapter au cinéma le récit de la vie d’un chanteur de rock mort à 24 ans, conjointement à la naissance d’un groupe qui deviendra culte et intronisera du même coup un genre à part entière : la Cold Wave.

Comme beaucoup d’étoiles filantes, le destin de Ian Curtis, l’opacité du personnage, fascinent. On peut d’ailleurs supposer qu’il demeurait un large mystère pour lui-même. Jusqu’ici, on sera d’accord avec l’interprétation filmique. Malheureusement, elle n’échappe pas à ce qu’il peut y avoir de plus déplaisant dans ce type d’exercice : un excès de pathos. Cet excès ne concerne pas l’intégralité du film, mais ce dernier commence à s’enliser disons, peu après le milieu du récit. Certes, on peut arguer que cet enlisement de la narration ne fait que mimer l’enlisement moral et psychologique du “personnage Ian Curtis”, héros romantique des années Thatcher. Néanmoins, je crois que l’erreur fatale du scénario fut de montrer tout ce qui précède le suicide, de faire monter la pression jusqu’à son paroxysme, le dégoût de Ian pour lui-même et les autres, jusqu’à ne plus entrevoir qu’une solution pour en finir avec la souffrance (l’épilepsie, le déchirement affectif et la notoriété devenus ingérables). C’est là que je m’interroge : faut-il exhiber à ce point la douleur psychique d’un individu, en suivre pas à pas la progression insoutenable et inéluctable de son délabrement ? N’est-ce pas une manière de violer la mémoire du suicidé, une appropriation voyeuse du mythe, jusque dans le moment le plus intime et tragique de son existence ? Enfin, est-il pertinent, du point de vue cinématographique, d’exhiber toute la “mécanique” du suicide ? A l’image du “son Joy Division”, exprimant avec froideur une intériorité sombre mais riche, j’aurais préféré un peu plus de sobriété, un voile de pudeur sur ces derniers instants. Je n’imagine même pas le martyre de l’acteur, excellent au demeurant. Autre problème majeur : le scénario s’inspire énormément du récit de Deborah Curtis, ex-femme de Ian. Cette biographie partisane, publiée de longue date chez le mythique éditeur Camion Blanc, est celui d’une femme bafouée, persuadée que la faute extra-conjugale de son mari fut initiée par sa maîtresse (journaliste belge), ce dont on peut fortement douter si l’on tient compte de l’extrême fragilité émotionnelle du chanteur. Au delà d’une forme de réparation économique et le rétablissement d’une vérité toute personnelle, la rancœur est et restera semble-t-il, la motivation principale de la veuve.

Pour en finir avec ce film douloureux, revenons tout de même sur ces aspects positifs, sur les choix artistiques d’Anton Corbijn. Proche de Ian Curtis et photographe de Joy Division (entre autres) son noir et blanc sublime l’esthétique du décor Manchesterien et accentue la tragédie à venir. On reconnait le savoir-faire du photographe dans le choix du cadrage, de la composition des plans, dans la maîtrise de la lumière. Autre point fort avec la bande-son, spécialement enregistrée pour l’occasion, étonnament fidèle. L’interprétation des acteurs et la restitution du climat général de l’époque sont tout à fait crédibles : fin du punk, chômage, grande créativité musicale des enfants du prolétariat. Le film aurait juste gagné en élégance à persévérer dans les contrastes émotionnels, au lieu de plonger dans l’horreur de la dépression. Pour faire un mauvais jeu de mots, Control a quelque peu “perdu le contrôle”…
Il reste pourtant un film à voir, à apprécier pour ce qu’il a osé, qu’on soit fan ou pas.

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Control, Ian Curtis, Joy Division
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